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Nomination de Michel Barnier : quelles sont les prochaines étapes du calendrier ?

Cinquante et un jours après la démission de Gabriel Attal, Emmanuel Macron a enfin nommé, jeudi 5 septembre, un premier ministre en la personne de Michel Barnier. Une annonce qui ne met pas un terme à la crise politique, et ouvre la voie à de nouvelles questions, dans une situation qui reste éminemment incertaine.
L’article 8 de la Constitution confère au président de la République le pouvoir de nommer les membres du gouvernement. Mais il doit le faire « sur la proposition du premier ministre ». Dans la pratique, la composition du gouvernement résulte généralement d’un compromis entre les deux têtes de l’exécutif, ici Emmanuel Macron et Michel Barnier. Et, dans le cas présent, ils devront tenir compte des différentes sensibilités présentes à l’Assemblée nationale, en nommant des personnalités qui pourront garantir au sein de l’Hémicycle le soutien le plus large possible au nouveau gouvernement, pour éviter une motion de censure.
Aucun calendrier formel ne s’impose à Michel Barnier et Emmanuel Macron. Dans la pratique, il s’écoule en général quelques jours entre l’annonce du premier ministre et de la composition du gouvernement, le temps de solliciter les intéressés et de mener des vérifications sur leur probité auprès de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique (HATVP).
Il avait ainsi fallu attendre quatre jours pour connaître la composition du gouvernement d’Elisabeth Borne, en mai 2022. En début d’année, le gouvernement de Gabriel Attal avait quant à lui été composé en deux temps : une première liste de ministres de plein exercice dévoilée au bout de deux jours, puis près d’un mois d’attente avant la nomination des ministres délégués et secrétaires d’Etat.
Dans le cas présent, il n’est pas impossible que le délai pour former le gouvernement soit encore rallongé en raison de la situation politique. Michel Barnier devra, en effet, ménager subtilement les équilibres entre les courants politiques, pour maximiser ses chances d’éviter la censure d’une Assemblée nationale très divisée.
Tant que les nouveaux ministres ne sont pas nommés, les ministres démissionnaires restent en poste pour gérer les affaires courantes, comme ils le font depuis la démission du gouvernement Attal, le 16 juillet.
Rien n’empêche le nouveau premier ministre de nommer des membres du gouvernement qui étaient jusque-là en poste. C’est d’autant moins improbable que le dernier gouvernement comptait de nombreux membres provenant des rangs de la droite, comme Rachida Dati, Gérald Darmanin, Fréderic Valletoux, Aurore Bergé, etc. D’autre part, de nombreux ministres du gouvernement Attal ont publiquement proposé de rester en poste, au nom de la stabilité, à l’instar de Nicole Belloubet.
Si rien de l’y oblige, il est d’usage qu’un nouveau premier ministre vienne devant l’Assemblée nationale et le Sénat pour présenter les lignes directrices de son programme, dans ce qu’on appelle une déclaration de politique générale.
La Constitution n’impose aucune forme ni aucun calendrier. En début d’année, Gabriel Attal n’avait livré sa déclaration de politique générale au Palais-Bourbon que 21 jours après sa nomination à Matignon. Nommée le 16 mai 2022, Elisabeth Borne avait attendu 51 jours.
Ce discours peut être l’occasion pour le nouveau premier ministre d’engager sa responsabilité devant l’Assemblée nationale, en proposant aux députés de voter pour ou contre la confiance dans la foulée de son intervention. Mais cette procédure, prévue à l’article 49 de la Constitution, n’est pas obligatoire : si Edouard Philippe ou Jean Castex s’étaient livrés à l’exercice lors du premier quinquennat d’Emmanuel Macron, Elisabeth Borne et Gabriel Attal, qui ne disposaient que d’une majorité relative, ne s’y sont pas risqués. En effet, en cas de rejet par plus de la moitié des députés, ce vote de confiance force le gouvernement à démissionner.
Même si Michel Barnier n’engage pas sa confiance, des députés ont la possibilité de tenter de le renverser, comme le prévoit encore l’article 49 de la Constitution. Pour cela, il leur faut d’abord réunir la signature d’un dixième de l’hémicycle pour déposer une motion de censure spontanée – soit 58 députés sur 577. Cela sera possible dès que l’Assemblée commencera à siéger, c’est-à-dire au plus tard le 1er octobre – voire avant, si Emmanuel Macron convoque une session extraordinaire, comme le demande la présidente de l’Assemblée.
Une fois la motion de censure déposée, un vote est organisé dans les quarante-huit heures. Si une majorité absolue de députés – soit 289 élus sur 577 – l’approuve, le gouvernement est contraint de démissionner, et le président doit nommer un nouveau premier ministre.
Ce scénario est loin d’être impossible dans la configuration de la nouvelle Assemblée issue des élections législatives de juin-juillet, éclatée et majoritairement hostile au président Macron. Les socialistes ont déjà annoncé qu’ils censureraient le gouvernement Barnier, tandis que le Rassemblement national (RN) conditionne sa décision à la teneur du discours de politique générale du nouveau premier ministre. Le camp présidentiel et la Droite républicaine (ex-Les Républicains) devraient, de leur côté, soutenir l’ancien commissaire européen.
Même si le Nouveau Front populaire et le Rassemblement national, avec leurs 319 sièges cumulés, dépassent largement le seuil nécessaire pour renverser Michel Barnier, il n’est pas évident qu’ils acceptent d’unir leur voix. Pour que la motion de censure fonctionne, il faut, en effet, que les différents blocs d’opposition votent la même motion de censure. Au cours des deux premières années du quinquennat, l’ensemble des 17 motions de censure déposées par la gauche, l’extrême droite et les indépendants du groupe LIOT avaient échoué, faute d’alliance entre les oppositions, qui avaient à chaque fois déposé des motions distinctes.
A ce jour, dans l’histoire de la Ve République, une seule motion de censure spontanée a été menée jusqu’au bout : celle qui a renversé le premier ministre Georges Pompidou, le 5 octobre 1962, par 280 voix sur 480 possibles.
Mise à jour du 6 septembre à 11 h 45 : modification de l’appartenance politique de Nicole Belloubet.
William Audureau et Maxime Vaudano
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